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Le secret des poignards volants

LE SECRET DES POIGNARDS VOLANTS (2003) – Zhang Yimou

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Le Secret des Poignards Volants est un film très populaire, grosse production hongkongaise qui connut un vif succès aussi bien en Chine qu'en Europe. Ce style de cinéma, entre mélodrame, arts martiaux, et reconstitution historique, n'est pas forcément celui que je connais le mieux de Chine, ni celui que j'apprécie le plus. Après Hero et la Cité Interdite, c’est le troisième film de Zhang Yimou que je découvre, et je dois avouer que la déception fut aussi présente.

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Le Secret des Poignards Volants, tout comme Hero, s'ancre dans un contexte historique bien précis, en l'an 859. La dynastie Tang est sur le déclin et doit faire face à l'émergence de mouvements rebelles, dont celui de la Maison des Poignards Volants, que deux capitaines sont chargés de débusquer sous les ordres de l'Empereur. Ce choix permet à Zhang Yimou d'ancrer son propos dans le genre de l'épique et de se surpasser dans les séquences de cascades. Volontiers mystique et fantastique, la période exploitée appelle à l'esprit des légendes, à l'immensité des décors, à un visuel flamboyant et foisonnant, et aux protagonistes charismatiques. Ainsi, dans un premier temps, le film respecte et suit cette intention, délivrant des séquences de combat éblouissantes. Curieusement, c'est bien la première scène du genre qui m'impressionna le plus dans le film, à savoir l'altercation entre le soldat Jin et la danseuse Mei, qui deviennent peu de temps après les personnages poursuivis par les divers guerriers de l'Empereur. Cette scène allie le plus fortement la chorégraphie à l'action, et s'avère très symbolique dans les choix de couleurs ou de cadrage. Une autre séquence impressionnante, il s'agit de celle de l'attaque dans la forêt de bambou, utilisant allègrement le bambou et sa consistance comme des armes terrifiantes et fulgurantes, pouvant s'incarner sous tous types de forme : lance, projectile, épée, barreaux de prison... Ces bambous fonctionnent bien entendu comme une annonce des fameux poignards volants, armes mystérieuses de bout en bout, correspondant à une forme de magie. Par ailleurs, le scénario fait le choix de ne jamais véritablement dévoiler le véritable choix et but de l'organisation secrète, une piste qui aurait malheureusement pu être creusée pour un scénario qui aligne certains poncifs et se complaît dans le genre du mélodrame. 

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Sous des apparences de tragédie, le film ne donne en effet aucune profondeur aux personnages, les considérant uniquement de simples rouages dans le mécanisme du désespoir. Dans un premier temps, la traque à l'extérieur laisse présager une belle ambiguïté, les personnages miroitant l'un autour de l'autre, entre Mei (Zhang Ziyi), l'aveugle farouche et sensible ; Jin (Takeshi Kaneshiro), le soldat intrépide ; et le supérieur Leo (Andy Lau), d'une impressionnante sobriété et rigidité. Cette partie s'avère bien rythmée, efficace, dépeignant une relation triangulaire assez ambiguë et dépassant le simple stade de la romance. Le silence de Mei incarne un élément mystérieux et charismatique qui donne au film une certaine couleur, et le soldat Jin est quant à lui parcouru d'hésitations entre la loyauté envers Leo (plus qu'envers l'Empereur par ailleurs) et l'attirance envers la jeune danseuse. Les paysages flamboyants, filmés dans les teintes chinoises bien connues (couleur or, pourpre, bleu roy et vert sombre) se prêtent enfin aisément à des séquences de combat virtuoses.

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Mais bien vite, ces personnages tombent dans une forme d'hypersensibilité et de fragilité extrême agaçantes. Le contexte historique s'efface définitivement derrière la romance, assez improbable et facile. Difficile de voir par exemple le véritable engagement des protagonistes, que ce soit Leo ou Mei, qui n'affichent que superficiellement leurs opinions politiques et n'incarnent au final que des figures de la romance et de la tragédie amoureuse. Le personnage de Leo, en particulier, devient une cruelle déception au fur et à mesure du récit : derrière la sobriété de Andy Lau, pourtant un très bon acteur dans ce style de rôle (par exemple avec Infernal Affairs), intervient brusquement une caricature de l'éperdu amoureux, dont le surgissement paraît complètement absurde, maladroitement amené dans le récit. De plus, outre les trois acteurs phares du film, grandes stars du cinéma chinois, apparaît aussi trop furtivement une grande actrice, Carina Lau, dont le rôle aurait pu, une fois de plus, être bien plus étoffé et développé à la place de l'intrigue amoureuse, désespérément classique. Comme de guise, la tragédie trouvera son apogée parmi la neige tourbillonnante, lourd symbole de la pureté de Mei, vue comme une victime là où la fin ouverte ne laisse que la présence de la mort. Le Secret des Poignards Volantss'enfonce ainsi dans le mélodrame poussif, lourdement symbolique par ses choix visuels ou son montage (l'agaçant parallélisme entre les plans d'ensemble des deux amants isolés), s'éloignant de pistes politiques ou psychologiques avec facilité. 

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