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11 fleurs

11 FLEURS – Wang Xiaoshuai

 

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Deux éléments handicapent le nouveau long-métrage du cinéaste Wang Xiaoshuai, auteur des formidables Beijing Bicycle, Shanghai Dreams et Une famille Chinoise. D'une part, la coproduction française, paradoxalement, en apportant une belle aide à la finance du film et à sa diffusion, semble dériver le cinéaste de sa veine réaliste et intimiste, certaine séquences s'avérant plus convenues. D'autre part, la large part autobiographique qui habite le film, empli de souvenirs d'enfance de Wang Xiaoshuai à la fin de la Révolution Culturelle, limite le potentiel imaginatif et restreint le développement de certains personnages, malheureusement. Le fait que Wang Xiaoshuai choisisse un personnage d'enfant le représentant contraste avec les psychologies habituelles qu'il évoquait dans ses précédents films et ne donne pas lieu à une véritable fascination.

 

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Wang Xiaoshuai s'inspire de son enfance pour dépeindre la fin de la Révolution Culturelle à travers les yeux d'une famille quelconque réfugiée à la campagne du fait du statut de peintre amateur du père. Le jeune Wang explore de nouveaux sentiments tandis que les premières luttes prennent place. La dimension politique est ainsi assez faible, le film privilégiant le regard de l'enfant et le quotidien de la famille. La reconstitution est soignée, ancrant le film dans des tons ocres et embrassant des paysages magnifiques de la campagne. Les séquences amènent à plusieurs drames à différents niveaux : drame principal autour de la chemise causant la fierté de Wang, choisi pour mener la gymnastique matinale instaurée par Mao, mais aussi sa honte, puisqu'il la perd ; drame adjacent avec le fugitif traqué dans la forêt ; drame de la jeune camarade de Wang, violée par l'un des patrons de l'usine ; drame de l'absence du père... Les trois derniers points scénaristiques présentaient beaucoup plus d'intérêt que le premier, qui s'impose cependant sur tout le film. L'initiation du jeune Wang est en effet ce qui pêche au rythme et au propos, car de nombreuses scènes s'avèrent convenues et déjà vues : les échanges avec la bande de copains, assez maladroits, les premières émotions sexuelles avec la vision des parents dans le lit, les premières désillusions, la vision de la violence... le problème est que le jeune comédien employé reste très loin du talent des héros de Beijing Bicycle ou Shanghai Dreams, Wang Xiaoshuai étant peut-être plus doué pour diriger et filmer les adolescents plutôt que les enfants. Le jeune acteur se révèle peu attachant, gardant le même masque d'indifférence durant presque tout le film. De plus, la présence de la part autobiographique semble limiter les prises de libertés avec le personnage et sa psychologie.

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Heureusement, on retrouve le meilleur de Wang Xiaoshuai dans une poignée de personnages environnants et de séquences, où se manifeste, toujours de manière subtile et intelligente, une belle analyse de la psychologie humaine. Dès Beijing Bicycle apparaissait, par la ténacité des deux garçons qui se disputaient le vélo, une sorte de mystère humain où les sentiments ne passaient pas pas les mots mais uniquement par les gestes et les élans inexpliqués de violence. La mise en scène pudique et lente de Beijing Bicycle tendait à sublimer ces élans inexplicables mais pourtant terriblement justes, comme lors des longues courses-poursuites entre les deux garçons. Dans 11 Fleurs, la lenteur est aussi présente mais les longueurs se font paradoxalement plus ressentir dans l'accumulation de séquences courtes que dans les séquences de longue durée. Car c'est bien plus la succession des scènes d'initiation classiques qui pêchent au rythme, alors que les rares moments de réelle mise en scène intriguent bien plus. La rencontre avec le fugitif est ainsi remarquable de force et de mystère, agissant bien sur l'ambiguïté du comportement du jeune assassin fascinant qui vole la chemise du jeune Wang pour colmater sa blessure. L'approche est lente, presque sauvage, en cohérence avec le cadre de la forêt broussailleuse. Wang se salit du sang de ce jeune homme, la sueur perle et la terre s'accroche aux peaux, brisant le cadre rigide des institutions de Mao et ramenant à une réalité difficile. Par la suite, cette apparition charismatique et animale restera la seule du film, les autres tentatives de rencontre avec le fugitif s'avérant des séquences inutiles, et l'ambiguïté de la relation s'effaçant peu à peu.

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Autre personnage fascinant et lui aussi opaque, c'est celui de le jeune fille violée. La mise en scène de Wang Xiaoshuai est sur ce point d'une finesse remarquable. Dès le début du film, cette jeune fille est ainsi filmée de loin, sa silhouette étant isolée par le décor et la cadre, montrant déjà le terrible acte qui l'a divisée de ses camarades. La révélation du viol par le père de la jeune fille est par ailleurs l'une des séquences les plus émouvantes et tragiques du film, réalisée avec une justesse et une pudeur impressionnantes, loin du mélodrame. Enfin, l'ultime regret reste la maigre présence du père, qui ouvre cependant le film. La très belle affiche française est sur ce point très trompeuse, car elle laisse penser que c'est cette relation au père qui va tisser une toile autour de la Révolution Culturelle, d'autant plus que la famille est un des thèmes clés de Wang Xiaoshuai. Pourtant, sur une bonne partie du film, le père disparaît et ne revient que sur quelques séquences finales, celles-là aussi très fortes. Le jeune Wang ne pipe mot face à son père très bavard, acquiesçant à toutes ses questions et références artistiques. La passion pour la peinture du personnage étant brimée par le gouvernement Mao et le rang d'artiste ravalé à celui d'ouvrier, le père tente ainsi de diffuser ses connaissances à son fils, à travers de très jolies scènes où la flamme de la bougie éclaire en secret des tableaux impressionnistes réduits à des reproductions miniatures. Les 11 fleurs du titre illustrent quant à elle la scène d'ouverture, où le père apprend à peindre un bouquet de fleurs à son fils, comme 11 bougies soufflées face aux différents événements. Dommage que le dernier film de Wang Xiaoshuai, très bon réalisateur dans son pays, souffre d'autant de lacunes et d'un rythme bancal, ne pouvant pas fleurir totalement. 

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